Une boussole qui pointe vers le sens
Toujours pour vous faire connaître les forces de Mesures Alternatives des Vallées du Nord (MAVN), nous poursuivons notre série d’articles visant à vous présenter l’équipe. Cette semaine, faisons connaissance avec Mathieu Durivage, qui est présentement en vacances/congé de paternité.
MAVN : Mathieu Durivage, tu es l’un des intervenants sociojudiciaires de l’équipe de MAVN, pour les services RÉPARER ensemble et S’ENGAGER ensemble. En quoi consiste ton travail?
Mathieu : C’est simple et complexe à la fois. J’accompagne les gens dans une démarche de justice réparatrice. Il s’agit autant des personnes victimes que des personnes contrevenantes, qu’elles soient adolescentes ou adultes. Ça signifie notamment de permettre à chacune d’exprimer ses besoins, son vécu. Les unes, pour amorcer leur processus de guérison. Les autres, pour réparer les torts qu’elles ont causés et tourner la page.
MAVN : Ça semble passionnant! En même temps, quand il est question de personnes victimes ou contrevenantes, c’est qu’il y a eu crime. N’est-ce pas un peu stressant comme travail? Tu as pourtant l’air d’un jeune homme très calme!
Mathieu : En principe, je suis une personne calme, j’en ai besoin. En même temps, je sais que j’ai malgré tout une personnalité anxieuse, même si ça ne paraît pas tant que ça. C’est surtout l’anticipation qui me stresse. La période avant que je passe à l’action. Ensuite, quand la machine est en marche, je retrouve mon calme.
MAVN : L’important, c’est d’afficher une certaine paix d’esprit en présence des personnes que tu accompagnes.
Mathieu : Exactement. Si je me laissais aller, je serais fatigant pour les autres, parce que je montrerais plusieurs signes de stress! Entre autres, j’ai tendance à faire les 100 pas, à trépigner. Comme si j’avais un surplus d’énergie avant d’affronter ce qui m’attend. Mais ça me sert de motivation pour agir.
MAVN : Parlant de motivation, qu’est-ce qui t’a amené à devenir intervenant? Comment en es-tu venu à choisir cette vocation?
Mathieu : Au fond, j’ai toujours su que j’évoluerais dans les affaires sociales. Déjà, j’ai grandi en ayant sous les yeux des modèles d’engagement. Mon père se donnait à fond dans la préparation de paniers de Noël, il essayait d’aider. Et ma mère était une véritable activiste, une passionnée de justice sociale. J’ai de qui tenir!
MAVN : Tu as donc eu de belles influences dans ta jeunesse. Mais parfois, les enfants préfèrent éviter de s’inspirer des choix de leurs parents.
Mathieu : C’est vrai. Même moi, je me suis déjà posé la question : pourquoi ne pas faire autre chose de plus payant? Par exemple, si je devenais représentant, je ferais beaucoup plus d’argent! Mais quand j’y pense, ça ne tient pas la route, je serais malheureux. Il y a en moi une sorte de boussole morale, qui prend beaucoup de place. J’ai la capacité d’aider les gens, et je sens une sorte d’obligation à le faire. J’ai vraiment besoin de me sentir utile.
MAVN : C’est très intéressant, ça ressemble à une vocation. Et tu crois que ça vient de l’influence de tes parents?
Mathieu : Sûrement en partie, mais pas seulement. C’est aussi une question de conscience sociale par opposition à l’individualisme. Si je vis ma vie uniquement pour moi, je crois que je n’atteindrai pas mon plein potentiel.
MAVN : S’agit-il d’une sorte de complexe du sauveur?
Mathieu : Je ne dirais pas ça. À mes yeux, ça s’apparente davantage à une mission de vie. Un appel que je ressens.
MAVN : Quelque chose qui te pousse à agir, finalement.
Mathieu : C’est précisément ça. Ça me gêne un peu de l’avouer, mais ça me fait penser à mon super héros favori, Spiderman. C’est un personnage de fiction qui m’a toujours inspiré. C’est presque un anti héros tellement il n’a pas la vie facile. Mais il ne peut s’empêcher d’agir parce que la compassion, la solidarité, l’humanité l’emportent sur l’inconfort. Loin de moi l’idée de me comparer à un super héros, mais j’éprouve le même besoin d’agir, à mon échelle à moi.
MAVN : En d’autres mots, c’est un personnage qui te sert d’inspiration.
Mathieu : Exactement. Et j’aime l’idée qu’il porte un masque. Selon moi, c’est un symbole fort d’humilité. Dans un monde idéal, l’altruisme se pratiquerait à visage couvert. On ne devrait pas tirer avantage d’avoir été généreux.
MAVN : En même temps, il n’y a rien de mal à souligner les bonnes actions, non?
Mathieu : En toute franchise, j’ai parfois un peu de mal à prendre les compliments. Ça revient à ce que j’appelle ma boussole morale. Quand elle nous guide, le fait de vouloir aider son prochain devrait aller de soi.
MAVN : Tu sembles profondément convaincu de suivre la bonne route. As-tu l’impression de t’épanouir au travail?
Mathieu : Clairement, oui. Nous devons toujours rester à l’écoute de l’autre, et j’ai appris à me faire confiance sur ce plan-là. Le non-verbal nous en révèle beaucoup. On doit ensuite s’adapter à chaque personne, à chaque besoin. D’ailleurs, chez MAVN, j’aime l’autonomie qu’on nous accorde dans le choix des interventions. Après tout, on ne travaille pas vraiment avec des contrevenants ou des victimes : on accompagne d’abord des personnes.
MAVN : J’ai bien l’impression que tu réussis à créer un lien rapidement avec les personnes que tu accompagnes.
Mathieu : En général, je le crois. Le fait d’être encore jeune m’aide sûrement. Mais c’est aussi une question de tolérance et d’acceptation. Pour accompagner les gens dans une démarche de justice réparatrice, il faut voir au-delà des délits ou des actes criminels. Souvent, les délits, c’est une façon de nous lancer un message, de nous dire quelque chose. Par exemple, j’ai besoin d’aide. Ou même, encore plus simple : j’existe!
MAVN : Un message qu’il faut savoir entendre et décoder. Ça ne doit pas toujours être évident. Comment peut-on y arriver?
Mathieu : C’est vrai, ça ne saute pas toujours aux yeux. Pour y arriver, j’essaie moi-même de garder les pieds sur terre, de préserver ma propre paix intérieure. C’est pour ça que j’aime tellement pratiquer le tir à l’arc. Quand je m’exerce, je respire à fond, je me connecte à mon environnement, je m’en imprègne. Aussitôt, mon esprit se vide, c’est très apaisant, presque thérapeutique.
MAVN : Présenté comme ça, on a tous envie de s’y mettre!
Mathieu : Je le recommande. Ce qui compte, c’est de trouver l’activité qui nous apaise, qui nous ramène à l’essentiel. Pendant un certain temps, dans mon cas, c’était aussi la musique, ou le Parkour. Parfois, c’est simplement l’écriture. Pour d’autres, c’est le golf, le vélo, les arts. L’important, c’est de trouver un certain équilibre.
MAVN : À propos d’équilibre, je sais que le tien a été quelque peu bousculé récemment, en tant que nouveau papa! En quoi cette nouvelle expérience de vie a-t-elle pu te transformer? Cela a-t-il changé la personne que tu es au travail?
Mathieu : Impossible de ne pas changer après quelque chose d’aussi formidable! Avant de le devenir, je n’avais pas vraiment d’idée de ce que c’est, devenir père. Si je reviens à mon fil conducteur, je dirais que ça a ravivé ma boussole morale. Malgré la fatigue et le manque de sommeil, ma boussole est animée par une nouvelle énergie.
MAVN : C’est une période de ta vie vraiment très stimulante.
Mathieu : La réflexion qui me vient ressemble à celle-ci : je me sens petit, mais j’ai de grandes idées.
MAVN : C’est très touchant! Voilà ce qui arrive quand ta boussole pointe vers le sens. Merci, Mathieu!
Ajouter un commentaire