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Justice réparatrice: une manière de faire le voyage

Nous avons tous entendu parler récemment des difficultés que connaît le système québécois de la justice. Les causes deviennent plus complexes, et les juges réclament plus de temps pour délibérer. Cela accentue un problème de ressources humaines déjà criant. L’une des solutions évoquées pour régler le problème : le recours à la justice réparatrice. Mais que savons-nous de cette approche? Fonctionne-t-elle vraiment?

Pour le savoir, pourquoi ne pas nous attarder à ce que vivent les personnes ayant participé au Programme de mesures de rechange général (PMRG) pour adultes? Implanté au Québec depuis 2017, le PMRG a été amorcé en 2019 chez Mesures Alternatives des Vallées du Nord (MAVN). Connaître leur point de vue nous donnera un très bon indicateur de l’efficacité du programme.

Une recherche scientifique a d’ailleurs été mise en place pour connaître la perception de ceux et celles qui ont bénéficié du programme. Qu’est-ce que ces personnes en ont tiré? Jusqu’à quel point une démarche de justice réparatrice a-t-elle pu les transformer? Justement, les chercheurs mandatés d’étudier le programme viennent de dévoiler leurs premiers résultats.

Il faut un village pour réparer des torts

Un des aspects à connaître du PMRG, c’est que la démarche comprend un grand nombre d’acteurs d’institutions différentes. Même si une réussite évitera à la personne accusée de se retrouver avec un casier judiciaire, le dossier passera entre les mains des mêmes intervenants que la justice traditionnelle (juge, procureur, agent de probation, etc.).

Toutefois, certains des professionnels intervenant dans le dossier ont des fonctions liées à l’accompagnement, au soutien et à la réparation. Pour les accusés ayant participé au PMRG, ces professionnels ont été perçus comme de véritables alliés. Mieux encore, tous les intervenants au dossier ont été décrits de manière constructive par les personnes accusées. Voilà qui détonne avec la justice traditionnelle…

Une question de confiance

Comment expliquer cette grande satisfaction, de la part des accusés? Si on résume l’ensemble des commentaires formulés par les personnes interrogées,  c’est avant tout une question de confiance. Les participants et participantes au PMRG ont senti qu’on leur faisait confiance, et qu’on les traitait de façon plus humaine. « L’agent de probation était extrêmement compréhensif […]. Je me suis senti écouté, respecté, et extrêmement à l’aise. »

Des mesures réparatrices qui ont du sens

L’un des objectifs du PMRG consiste à responsabiliser les personnes accusées qui en bénéficient. C’est pourquoi elles participent notamment au choix des mesures réparatrices à réaliser. Grâce à cette approche, ces personnes ont attribué un sens plus personnel aux mesures, ce qui a entraîné un sentiment positif.

Prenons l’exemple de la rédaction d’une lettre à la victime. Parfois, l’exercice d’écriture devient le symbole même de l’engagement à vouloir réparer. « Je ne me suis jamais vu écrire quelque chose comme ça là. Mais le cerveau a tourné pas mal. Je vais m’en rappeler longtemps de ça. »

Quant au service à la communauté (travail bénévole ou communautaire), il n’est jamais perçu comme une contrainte. « Moi, ça faisait tellement de sens de donner du temps à cet organisme. »

Ni la carotte, ni le bâton

Selon les données recueillies par les chercheurs, un aspect du programme de justice réparatrice a surpris et charmé les personnes accusées participantes : elles se sont senties prises en charge – selon leurs mots – avec « humanité ». Fait étonnant, personne n’a participé au PMRG pour éviter de se retrouver avec un casier judiciaire, même si on obtient cet avantage à la suite d’une mesure réparatrice réussie.

À l’inverse, le fait d’obtenir une apparente « seconde chance » laisse-t-il aux personnes accusées un sentiment d’impunité? De nombreux partenaires le craignaient lors de la création du programme. La réalité indique pourtant le contraire :

« Tu sais, ça ne sera pas « pif paf puis demain je refais la même affaire », là. C’est marqué, c’est gravé. Ça ne se reproduira plus. »

« J’ai repris ma vie en main, j’ai tout remonté, je me suis trouvé une job. […] Ça a été un programme qui m’a ramené sur le droit chemin. »

Le secret du succès : l’approche

Depuis près de 40 ans, on attribue le succès de la justice réparatrice à différents facteurs : l’atmosphère de non-jugement qui règne dans les programmes; le lien de connexion émotionnelle avec la personne victime. Lequel est le plus déterminant? On l’ignore.

Chose certaine, les résultats de l’étude sur le PMRG montrent que ce programme produit des effets réparateurs grâce à l’approche différente adoptée. Les participants interrogés ont parlé de la manière, de l’approche ou du ton des procédures. Pour la plupart, il ressort de l’expérience une importante reprise de confiance en la justice.

Les accusés ayant participé au PMRG se sont sentis « respectés ». Leurs craintes d’être punis, sanctionnés, ont été remplacées par de l’écoute et de l’attention, et du temps d’investissement. En fait, grâce aux programmes de justice réparatrice, les personnes accusées comprennent mieux les préjudices subis par les personnes victimes. Cela les fait « progresser » sur le plan moral, tout en amplifiant leur sentiment d’empathie.

Que faut-il conclure?

Les personnes accusées ayant participé au PMRG parlent en très grande majorité d’un succès. Comment l’expliquent-elles? Par l’écoute, le respect de leur personne, la personnalisation des mesures et le sens nouveau de leur prise en charge sociopénale. Elles expriment enfin une reconnaissance envers les professionnels judiciaires tous confondus, redevenus « humains ».

Les résultats indiquent une reprise de confiance des accusés dans la justice, et un désir net de s’engager dans la réparation. Peut-on voir ici les prémisses d’une possible réforme pénale ? Suffirait-il de donner à des structures de justice froides un nouveau rôle constructif et humain ? Ces questions méritent réflexion, d’autant plus que l’effet réparateur du programme proviendrait de son ton général, de l’approche employée. Comme le dit l’adage, l’important n’est pas la destination, mais la manière de faire le voyage!

Description de la photo

La justice réparatrice offre une manière bien différente de faire le voyage dans le système pénal. En traitant les personnes contrevenantes avec humanité, on leur permet de se libérer des chaînes d’un casier judiciaire. Ces personnes déploient alors leurs ailes pour mieux reprendre leur vie en tant que citoyens plus responsables, qui contribuent positivement à la société.

Source:

Adaptation d’un article de la revue Criminologie
Volume 54, numéro 2, automne 2021, p. 39–63
La réinsertion sociale : construction d’un objet de recherche

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